L’an passé, je suis tombé par hasard sur un documentaire dont le sujet était la création d’affiches pour le cinéma. Ce documentaire – 24/36, pour ne pas le nommer –, que j’ai beaucoup apprécié, était très instructif. J’ai remarqué que les intervenants trouvaient que toutes les affiches étaient faites selon une formule usée et manquaient de créativité et que les visuels conçus par des fans ou destinés des marchés parallèles (festivals, emballages SteelBook, etc.) étaient plus beaux et plus imaginatifs.
Je fais des affiches de films depuis près de 30 ans et je voulais profiter de l’occasion pour donner l’heure juste sur le métier d’affichiste.
La première chose à faire est de visionner le film. Que cette étape nous aide beaucoup ou peu, s’en inspirer peut rarement être une mauvaise idée. Parfois aussi, une bande-annonce ou une bonne discussion avec le distributeur suffit. À partir de là, l’objectif est de faire la synthèse d’un film de deux heures en une image.
Une fois le processus démarré, nous créons des concepts – en moyenne, 10 à 15 concepts différents. Au Québec et au Canada, la plupart des affichistes travaillent à partir de photos de plateau (images prises durant le tournage). Nous travaillons aussi avec des «grabs» ou photogrammes (images tirées du film) et des banques d’images. Lorsque ces concepts sont envoyés au distributeur, commence alors la valse des tests et des révisions. L’affiche finale sera en grande partie influencée par ce processus. J’ai dans mes archives plus de 1000 concepts d’affiches et à 95%, les concepts sont plus attrayants et plus créatifs que l’affiche qui fut finalement imprimée. Il faut dire que la créativité ne rime pas toujours avec efficacité.
L’affiche n’a qu’un seul but: faire la promotion du film. Ce n’est pas une œuvre d’art destinée à être accrochée dans un salon. Elle a pour objectif d’attirer les spectateurs dans une salle de cinéma ou de leur faire choisir votre film parmi une foule d’autres qui prolifèrent sur les multiples plateformes. Et si par la même occasion, nous parvenons à créer une image qui restera dans le temps et deviendra emblématique, c’est fantastique, mais cela demeure plutôt exceptionnel.
L’affichiste est souvent pris entre l’arbre et l’écorce, à savoir entre le réalisateur/producteur et le distributeur. Si en général, leurs buts sont semblables, certaines différences sont parfois irréconciliables: le distributeur veut le plus de spectateurs et/ou de visionnements possible, tandis que la production espère un rayonnement national ou international et le ou la cinéaste est souvent émotionnellement impliqué(e) dans le film et le considère comme son bébé. Quoi qu’il en soit, notre client demeure le distributeur, et c’est de lui que nous recevons nos instructions.
Voilà la phrase que nous entendons le plus souvent des réalisateurs. Le fait est que l’affiche n’est pas et ne sera jamais le film. C’est un outil de promotion, un objet qui raconte sa propre histoire et qui est vu en relation avec les autres outils de promotion: bande-annonce, site Web, dossier de presse, publicité, etc. Chacun de ces éléments représente une partie de l’histoire du film et sert à ce que le film atteigne la plus grande notoriété possible. L’affiche n’est que la porte d’entrée de votre univers cinématographique, pas de l’univers au complet.
En général, les distributeurs sortent plusieurs films par an et ont beaucoup d’expérience – du moins, ceux que je connais. Idem pour les producteurs, et tous travaillent avec des collaborateurs d’expérience. Il est important de comprendre que le cinéma est une machine, et que cette machine peut s’adapter à toutes sortes de produits: films d’auteur, films de genre, films inclassables, etc. Tous ces films peuvent finir par trouver leur public, mais tout public est habitué à une esthétique et est familier avec un style d’images qui rejoint ses goûts et ses attentes. Ainsi, même s’il arrive de sortir des sentiers battus, on reste toujours dans la même forêt!
Les salles de cinéma, l’internet et la télé sont envahis d’images et de publicités. Un visuel faible aux couleurs fades passe complètement inaperçu à côté des superproductions. Dès le départ, les budgets de mise en marché ici sont moindres. Il est donc important d’avoir une esthétique d’affiche qui ait une valeur commerciale. Il est aussi important de comprendre que la diffusion des affiches a changé dans les dernières années. Nous voyons tous les affiches sur nos téléphones ou sur des plateformes de diffusion, rendant les petits détails de moins en moins visibles et les visuels complexes difficiles à décoder.
Tout ceci ne veut pas dire qu’être créatif dans la création d’affiches de cinéma s’avère un pari perdu d’avance. Considérez plutôt qu’il s’agit de créativité encadrée qui a un but promotionnel. Adoptez un certain détachement par rapport à votre œuvre, gardez l’esprit ouvert, écoutez les intervenants qui vous entourent, prenez compte de leur expérience et n’oubliez pas: les meilleures affiches de l’histoire du cinéma sont associées à de grands films qui nous ont touchés.
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