Le 19 août 2023, le journal La Presse a publié un article très intéressant de LÉA CARRIER intitulé «Quand l’intelligence artificielle déjoue un auteur… et sa maison d’édition», dans lequel on apprend qu’une maison d’édition québécoise a acheté sur une banque d’images une photo/image créée par l’intelligence artificielle dans le but d’en faire la couverture de l’un de ses livres. L’article explique comment l’auteur du livre et la maison d’édition ont fait un mea culpa en disant qu’ils ignoraient que c’était d’une création de l’IA et que, de plus, la description de l’image stipulait qu’elle avait créée par ordinateur.
À mes yeux, ni l’auteur ni la maison d’édition n’est responsable, et je m’explique. Je travaille comme illustrateur et graphiste pour le cinéma et l’édition depuis plus de 25 ans, et à ce titre, j’ai créé des centaine d’affiches et de couvertures de livres. Au Québec, l’édition est un domaine dont les budgets sont serrés et, il n’est pas rare que les maison d’édition puisent dans les banques d’images pour créer la couverture d’un livre, en changeant quelques détails pour les adapter à leur histoire ou au sujet du livre. Le prix pour une image d’une banque d’images est de plus en plus raisonnable, rendant le risque financier presque nul. On y trouve une image qui plaît à l’auteur et Bingo! on a une couverture. C’est normal, ça arrive tout le temps, et c’est la vie.
Pour d’autres livres qui requièrent les services d’un illustrateur ou d’un créateur visuel comme moi, le processus est plus risqué et plus long. Pour ma part, je travaille surtout avec des photos que je manipule, processus qui vient de mon expérience du cinéma. Je crée mes illustrations à partir de multiples photos tirées de banques d’images libres de droits, de mes propres photos, de modèles 3D, etc.
Vous pourriez dire que c’est un processus qui s’apparente à l’IA… à une énorme différence près: moi, je connais et garantis la source et la provenance de mes images. Je ne choisis que des images libres de droits que j’achète soit par abonnement, soit à la pièce.
Selon moi, c’est là où le bat blesse: l’intelligence artificielle ne peut garantir la provenance des images. Cela dit, les images de l’IA restent intéressantes, et son processus de création, fascinant. Un peu comme un cadavre exquis, on pige des images partout sur le net et ça donne quelque chose de complètement fou et différent.
Si, par exemple, on commande à l’IA une image de Greta Thunberg au volant d’un Monster Truck, elle (l’IA, pas Greta…) va bel et bien la créer, mais le visage de la jeune écologiste sera potentiellement tiré d’une photo existante prise par un vrai photographe, et le camion aussi risque de provenir d’une source photographique dont les droit appartiennent à quelqu’un. Et si un problème de droit surgissait, qui serait responsable?
D’un autre côté, si on confiait la création de cette même image à un illustrateur chevronné, il ferait probablement un portrait de Greta et trouverait un camion pour le transformer ou le dessiner de zéro, ou peut-être le créerait-il en 3D pour s’assurer que l’illustration soit composée de pièces qui lui appartiennent ou qui sont libres de droits. Et s’il ne le faisait pas, c’est lui qui serait responsable de cette erreur, pas la maison d’édition ni l’auteur qui seraient ainsi protégés d’une certaine manière.
L’IA peut être un outil de création très intéressant pour stimuler l’imagination des créateurs mais elle devrait être traitée comme un croquis, une machine à concepts, et non pas comme une œuvre finale. Les banques d’images ne devraient pas vendre ces images créées par l’IA et devraient carrément les éliminer de leur inventaire.
Pour aider les éditeurs, les institutions culturelles et économiques devraient inclure dans leur programme de subvention et de financement des sommes consacrées à l’illustration des couvertures basées sur les tarifs d’utilisation d’Illustration Québec et réserver ces budgets pour les illustrateurs membres d’IQ ou, à tout le moins, pour des artistes d’expérience qui ont une solide éthique de travail et sont bien au fait des questions de droits et de provenance.
En ce qui concerne le cas décrit dans l’article de La Presse, un illustrateur aurait très bien pu s’inspirer de l’image choisie et créer une œuvre finale aussi percutante que celle créée par l’IA, peut-être même plus intéressante (sans les erreurs et bizarreries corporelles pondues par l’IA) et ainsi assurer à la maison d’édition une image libre de droits.
L’intelligence artificielle est un outil puissant mais, comme tous les outils puissants, il est toujours plus prudent de le confier à un professionnel.
Ce blogue a été écrit et révisé par de vrais humains.
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